
Je suis très heureuse de vous proposer en lecture cet article qui inaugure le format « j’ai lu, j’ai ouï, j’ai vu ». Comme expliqué dans ce billet, j’ai choisi cette structure pour retrouver la régularité des publications que j’ai perdue à cause de mes obligations quotidiennes.
Aujourd’hui, je vous parle de trois romans et d’une bande dessinée que j’ai lus en janvier. Je vais également vous recommander deux épisodes de podcast et une boîte à histoires pour les enfants. Avant de nous quitter, nous ferons un tour éclair sur Netflix pour dire quelques mots sur mon grand intérêt pour les séries coréennes. C’est parti !
J’ai lu…
Arpenter la nuit, Leila Mottley, Pauline Loquin (traduction « Night Crawling » : Anglais US – Français), Albin Michel, Roman, 402 pages.

C’est un premier roman qui marque à vif !
Prenons d’abord le sujet : une tragédie construite à l’intersection de la pauvreté, du racisme, de la misogynie, des violences sexuelles, de la corruption policière et des incohérences du système judiciaire américain.
Parlons ensuite des personnages : Kiara, le personnage principal, est âgée de 17 ans et vit avec son grand frère Marcus. Leur père est mort lorsqu’elle avait 13 ans. Quant à leur mère, elle est internée dans une maison de transition depuis qu’elle a fait une tentative de suicide. Ils habitent un appartement au confort inexistant, dans un complexe immobilier insalubre : « un matelas posé à même le sol (…), (…) un voisin drogué au crack qui caquette à côté (…), (…) des sacs de crottes de chien dans la piscine du complexe immobilier. »
Avec un grand frère qui rêve de faire carrière dans le hip-hop malgré un talent illusoire, Kiara est obligée d’abandonner ses études pour trouver un emploi. Il faut bien se nourrir et payer le loyer… Cette rage de survivre va la conduire dans les arrière-cuisines de restaurants, dans des supermarchés, dans des magasins, dans des clubs de strip-tease, dans des morgues et dans la rue… Kiara va arpenter la nuit « jusqu’à ce que je nous sorte de notre dette de loyer ».
« J’ai un corps et une famille qui a besoin de moi, alors je me suis résignée à faire ce qu’il faut pour nous garder ensemble : je suis allée retrouver la rue et tout son bleu. »
Intéressons-nous à présent à l’autrice du roman. Leila Mottley a écrit ce roman lorsqu’elle avait elle-même 17 ans. Elle s’est inspirée de faits survenus à Oakland, une ville de la côte ouest des Etats-Unis, dans la baie de San Francisco. C’est également dans cette ville que se déroule l’action.
Pour finir, parlons du travail d’écriture. Leila Mottley est parvenue à écrire une tragédie aux contours bien ficellés par la finesse de ses observations. Comme je l’écrivais plus haut, l’autrice s’est inspirée de faits qui se sont réellement passés. En 2010, à Oakland, la police est accusée d’avoir exploité sexuellement une jeune fille noire mineure. Ce scandale a provoqué un tollé dans la ville et dans la communauté afroaméricaine. Les autorités d’Oakland s’inquiètent de l’impact négatif de ces actes ignobles sur les relations entre la police et ladite communauté. Malgré son jeune âge, Leila Mottley s’interroge sur l’expérience qu’a vécue la jeune travailleuse du sexe. Elle s’enquiert de son histoire, de son métier, de ses luttes et de la manière dont elle aurait pu faire face à des circonstances qui échappaient à son contrôle.
Ainsi émerge Kiara, une version fictive mais parfaitement crédible de cette mineure noire. Livrée à elle-même, l’adolescente va devoir jongler entre les combines et les petits boulots pour payer son logement insalubre dont le loyer, soumis à la gentrification croissante du quartier, ne cesse d’augmenter. C’est malheureusement dans le travail du sexe qu’elle va s’empêtrer et être à la merci d’un réseau de policiers qui l’utilisent et la menacent si elle ne coopère pas. La fiction s’attarde sur l’enchainement des faits et le traitement médiatique, social et juridiciaire du scandale qui éclate.
« Les gens ne croient pas en Dieu parce qu’ils ont des preuves, seulement parce qu’ils savent que rien ne peut prouver qu’ils se trompent. »
C’est un roman structuré et écrit dans une prose fluide, captivante et poétique. J’ai ressenti beaucoup de tension au fil des pages où se succédaient la rage, la frustration et la résignation de jeunes Noir(e)s Une génération marquée par le racisme systémique et des inégalités sociales qui n’en finissent pas. L’écriture et l’histoire de ce livre sont écrasantes. Très peu de personnes vivront ce que l’héroïne a vécu. C’est tant mieux ! Néanmoins, il faut garder à l’esprit que l’horreur décrite dans ce roman est la réalité de beaucoup de jeunes filles aux Etats-Unis et dans d’autres pays. J’ai pensé à ces filles qui grandissent trop vite, trop brutalement, trop douloureusement. J’ai pensé aux responsabilités qu’elles doivent porter et aux conflits qu’elles doivent gérer lorsque ce qu’il reste de leurs familles ne subsiste pas à ces situations dramatiques. L’effritement de la relation entre Marcus et Kiara, puis entre Kiara et sa meilleure amie l’illustre bien.
« Je lui raconte comment le trottoir nous a déchirées en deux et nous a retiré cette partie qui méritait le plus d’être conservée : l’enfant qu’on garde à l’intérieur. La mâchoire en O qui ne supporte même plus de hurler parce que ça aussi, ils nous l’ont pris. Ils nous prennent tout. »
J’ai apprécié ma lecture malgré les scènes inconfortables qu’elle contient. Je suis admirative du talent de l’autrice qui m’a forcée à entrer dans le monde dans lequel Kiara a été forcée d’entrer. Je lui suis reconnaissante d’avoir laissé à son héroïne toute son humanité malgré les matraitances qu’elle subit. Malgré le travail qu’elle exerce. C’est très intelligent de la part de l’autrice. Elle réalise de cette manière la critique d’une société dans laquelle apparaissent les strates d’un système qui permet à des événements comme celui-ci de perdurer.
« Tout lui dire, ça aurait été comme admettre que ma vie se résume désormais à ça, ça aurait été comme m’engager vis-à-vis de la rue. Et se laisser attraper par la rue, ça revient à organiser son propre enterrement. Moi je voulais des lampadaires étincelants et quelques billets au réveil, pas les allées sombres, pas les sirènes. Mais voilà. On finit par se retrouver en plein jour, pile au moment où on s’y attend le moins. La nuit rampe jusqu’à moi quand le soleil est là. »
Enfin, la fin du roman n’est pas celle que j’espérais. Mais, étrangement, c’est celle dont j’avais besoin. C’est celle qui était nécessaire. C’est celle qui sied le mieux à la réalité. C’est une fin engagée. C’est une fin qui ouvre la voie…
Mille soleils splendides, Khaled Hosseini, Valérie Bourgeois (traduction « A Thousand Splendid Suns » : Anglais US – Français), Belfond, Roman, 416 pages.
« On ne saurait compter les lunes qui scintillent sur ses toits, ni les mille soleils splendides qui se cachent derrière ses murs,
ni les mille soleils splendides qui se cachent derrière ses murs. »

Mille soleils splendides est un livre de Khaled Hosseini, un auteur connu pour ses écrits de fiction basés sur la guerre d’Afghanistan. Dans Mille soleils splendides, l’histoire se déroule entre les années 1960 et 2005. Elle met en lumière les difficultés des femmes afghanes à cette époque.
De même que l’aiguille d’une boussole indique le nord, un homme qui cherche un coupable montrera toujours une femme.
L’histoire est centrée sur deux grands personnages féminins. Le récit s’ouvre d’abord sur l’évocation de Mariam, enfant illégitime de Jalil, un homme d’affaires local de Herat (troisième ville d’Afghanistan après Kaboul et Kandahar). Sa mère et toutes les personnes qu’elle connaît lui rappellent constamment qu’elle n’était pas censée naître, qu’elle est une erreur. Mariam ne le comprend pas, en souffre et rêve d’aller à l’école. Au fil des ans, tout ce que Mariam recherche, c’est d’être acceptée et appréciée. L’histoire de Mariam examine la filiation, le statut social, l’héritage, les relations interéthniques et les violences conjugales.
Elle ignorait alors que harami signifiait bâtarde. De même, elle était encore trop petite pour éprouver l’injustice d’une telle injure et pour objecter que ce sont les parents d’un enfant illégitime qui sont à blâmer, et non l’enfant lui même- lui dont le seul tort est d’être né.
L’autre personnage important de l’histoire est Laila, dont le père était un homme moderne. Il l’encourage à faire des études et à toujours se défendre. De Laila, il dit qu’elle est le genre de femme dont l’Afghanistan aura besoin, parce qu’elle est courageuse, gentille et éduquée.
L’histoire de Laila explore de nombreux tabous tels que les relations sexuelles avant le mariage et l’indifférence à l’égard des fillettes au sein de la famille, ainsi que l’importance de la scolarisation des filles.
« Une société n’a aucune chance de réussir si ses femmes ne sont pas éduquées… ».
Les trajectoires de ces deux héroïnes, d’abord des rayons divergents, vont progressivement converger, avec en toile de fond, la description de la guerre et de ses effets. Khaled Hosseini décrit étonnament bien l’état dans lequel se trouve l’Afghanistan lorsque les Soviétiques l’envahissent, puis lorsque Babrak Karmal forme un gouvernement fantoche, et enfin, comment les Talibans prennent le contrôle du pays. Tous ces événements sont décrits avec précision et concision sous la forme d’une histoire fictive. Il y a à la fois le drame dont le lecteur a besoin pour s’évader et la part de vérité nécessaire pour comprendre l’histoire de cette guerre complexe. Tous les ingrédients d’un page turner !
Le style de Khaled Hosseini n’est pas ampoulé. Ses personnages émeuvent à cause de leurs destins tragiques, mais ils ne nous font pas pitié. J’ai entendu les bombardements et les coeurs qui battent. J’ai vu les larmes couler et j’ai ressenti la chaleur accablante et la rudesse de l’hiver. J’ai retenu mon souffle et j’ai expiré devant tant de bravoure et de lumière. Ma lecture était solaire. Lorsqu’enfin les destins de Mariam et Laila se croisent, Khaled Hosseini nous livre un exposé magistral sur l’amitié, l’amour et la sororité. Tout simplement splendide !
Mariam regarda les flocons de neige tournoyer devant la fenêtre en se rappelant les paroles de Nana : chaque flocon est en réalité un soupir poussé par une femme accablée, quelque part dans le monde. Toutes ces plaintes silencieuses montaient au ciel et y formaient des nuages de plus en plus gros, jusqu’au moment où ils se brisaient en minuscules fragments qui tombaient sans bruit sur la terre.
« C’est pour rappeler aux gens ce que toutes les femmes comme nous peuvent endurer, avait-elle ajouté. Sans jamais se plaindre, en plus ».
Stardust, Léonora Miano, Grasset, Roman, 220 pages.
“Parce qu’il est si personnel, j’ai attendu longtemps pour proposer ce texte aux lecteurs (…) Il s’agissait de ne pas me laisser définir par ces faits passés, de ne pas être la SDF qui écrit des livres. Je connais la société française et sa propension à enfermer ses minorités en particulier dans des aspects dégradants – ou perçus comme tels – de leur trajectoire”.
J’attendais le roman qui allait me réconcilier avec la plume de Léonora Miano. En effet malgré de nombreuses tentatives, je ne suis jamais arrivée au bout de l’un des romans de cette autrice. J’ai donné cinq fois sa chance à La saison de l’ombre, roman récompensé par le Prix Femina en 2013. Rouge Impératrice a été une lecture impénétrable. Contours du jour qui vient, Prix Goncourt des lycéens 2006, et Crépuscule du tourment n’ont pas été des révélations pour moi. En 2021, je me procure tout de même Elles disent, un essai littéraire de moins de 60 pages. Dans ce petit livre qui est en réalité un recueil de citations d’autrices de tous horizons, Léonora Miano tente de créer des micro-récits en faisant (re)vivre les voix de ces femmes de lettres plus ou moins connues. Ici, j’ai compris la démarche et j’ai apprécié le fait de découvrir de nouvelles voix. Malheureusement, une fois de plus, la rencontre n’a pas eu lieu…
Je m’étais donc fait une raison, persuadée de ne pas trouver mon compte dans l’oeuvre de Léonora Miano, jusqu’à ce que je découvre le résumé de ce nouveau roman publié chez son éditeur français.

Stardust, (poussière d’étoiles), est un récit intime dans lequel, en seulement 128 pages, Léonora Miano revient sur son passé précaire à Paris. A l’époque, elle est l’une des « passagères » en galère d’un foyer d’accueil pour jeunes femmes en détresse. Le point de départ de son histoire est une ritournelle que chantent les nombreux récits douloureux d’exilé(e)s. Attention, cependant, à penser que les récits d’exil sont monocordes !
Louise (deuxième prénom de la romancière), 23 ans et son bébé Bliss, sont accueillies dans un centre de réinsertion et d’hébergement d’urgence du 19e arrondissement de Paris. Quelques mois auparavant, Louise a quitté le Cameroun pour venir étudier en France, et peut-être devenir chanteuse. Elle en rêve. Puis elle a rencontré un garçon dont elle finit par attendre l’enfant. Elle rompt avec lui et a abandonne la fac. Désormais mère, célibataire, sans ressources, sans domicile et sans papiers, Louise découvre la France marginale et précaire que les brochures touristiques ne racontent pas.
Pour obtenir sa revanche, la jeune femme active le mode « survie ». Dans ce centre d’hébergement, Louise va faire la rencontre de femmes cassées par la violence de l’exclusion sociale. Pour avoir le force de se battre contre ce système, elle évite de tisser des liens et reste sur ses gardes. Elle est en permanence en état d’alerte. En effet, Louise a conscience que la somme de ce qu’elle est la rend plus vulnérable que les autres « passagères » : une femme, une femme noire, une femme noire seule, une femme noire seule avec un enfant, une femme noire seule avec un enfant et sans papiers, une femme noire seule avec un enfant et sans papiers et sans domicile. Heureusement, grâce aux mots de la musique, de la poésie et de la correspondance qu’elle entretient avec sa grand-mère restée au Cameroun, les étoiles se mettent à scintiller, à tournoyer et à s’élever comme une fine poussière.
Stardust nous mène donc sur des chemins de vie flexueux. Même si le récit a été amendé au fil des années, son contenu est toujours brûlant d’actualité. Il n’est cependant, ni un journal de bord de la vie de la romancière dans ce foyer d’hebergement, ni la publication d’un journal intime sur cette période. Stardust est une parabole du paradoxe français : un pays qui se targue d’être le pays des droits humains, mais qui échoue à accueillir et à humaniser l’Etranger.
Voici à présent un florilège de morceaux choisis :
On s’est démené pour que les Subsahariens rêvent de France. On leur reproche d’avoir trop obéi. De n’avoir pas su dire merde. De vouloir vivre leur fantasme.
Aujourd’hui comme hier, on peut entrer en France de façon tout à fait régulière et perdre le droit d’y résider. Les accidents de la vie poussent des personnes de toutes origines et conditions sociales dans le fossé de l’exclusion.
Toute nation se crée des mythes. Toute nation repose sur des fictions. Dans celles qu’on nous conte de la France, il n’y a pas d’exclusion sociale. Pas d’endroits où les marginaux sont entassés, refoulés. Dans la fable qui se transmet chez nous de génération en génération, l’hiver est froid, mais il ne l’est que pour permettre le port de vêtements élégants. Manteaux. Écharpes. Bottes. On ne dit pas que ce froid est mortel pour ceux qui n’ont nulle part où aller. On ne sait rien d’eux. On ne dit rien des femmes qui échouent dans les CHRS (Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale).
Les femmes de Crimée sont des passagères. C’est ainsi que l’administration les désigne. Ce sont des embarquées pour une drôle de croisière à durée indéterminée, à l’issue incertaine. Elles passent. Ne cherchent pas de connexion véritable. Seulement quelque chose qui y ressemble. Succédané de relation. Amitié de Pacotille.
Les cheveux de Bliss imite la mangrove épaisse et mystérieuse qui s’étire le long du fleuve Wouri. La jeune femme songe à la terre où elle ne vivra plus. Les pays sont comme les personnes. Parfois, on les aime fort, sans que l’entente soit possible. Louise se sent une âme en suspens. Une funambule sans appartenance territoriale.
Elle accepte sa singularité. C’est en écrivant qu’elle trouve un espace habitable. En concevant un univers et en le faisant advenir sur la page. Le chant est sa parole véritable. L’écriture, sa planche de salut.
Personne ne connaît ces endroits. Parfois, lorsque viennent les grands froids, on parle, au journal du soir, de ces foyers d’accueil pour les sans-abri. Nul ne sait vraiment à quoi ils ressemblent. Comment on vit là. Où couchent les reprises de justice qui sortent de prison sans amis, sans famille, sans le sou. Où dorment celles qui vendent la presse de rue à la criée. Les toxicomanes enceintes, plaquées par celui qui les avait entraînées sur les chemins de la liberté, loin d’une ruralité morose ou d’un confort ennuyeux. Les femmes battues qui prennent un soir leur courage à deux mains. Les jeunes filles issues de familles immigrées qui se rebellent contre les traditions d’une terre inconnue, qui ont pris la clé des champs avant d’y être envoyées, abandonnées. Toutes celles qui ont trop d’aspérités, un tempérament trop en relief. Les caractérielles. Les rêveuses. Les dépressives. Les dingues et les paumées. Elles vont à Crimée.
Grand Silence, Théa Rojzman (scénario), Sandrine Revel (illustrations), Glénat, Bande Dessinée, 128 pages.
Résumé de l’éditeur :
« Il faut en parler, nécessairement ».
Sur une île inconnue où vivent des humains qui nous ressemblent, une sorte d’usine géante oeuvre depuis toujours. Cette étrange usine a pour mission d’avaler les cris rendus muets des enfants.
Elle s’appelle Grand Silence…

Mon résumé :
Sur une île, lors d’un mariage, le neveu de la mariée est surpris en train de fumer par un membre de sa famille. L’homme lui assure qu’il ne dira rien si l’enfant le suit. Le garçon obéit. Quand il réapparait, il est cassé, différent. Sa tête est littéralement coupée du reste de son corps. Quelques planches plus loin, la nièce de ce même homme apparait également ainsi. Puis, c’est au tour d’une institutrice… Sur cette île, une usine nommée Grand silence absorbe et retient les paroles des personnes violentées. En particulier, les paroles des enfants…
Grand silence est une bande dessinée qui parle des violences sexuelles faites aux enfants. La forme choisie par les bédéastes, Théa Rojzman et Sandrine Revel est le conte. C’est un parti pris qui fonctionne :
La forme du conte permet d’entremêler éléments factuels et métaphoriques, descriptions de situations et touches poétiques. Les bulles contenant les dialogues des enfants sont le plus souvent laissées blanches, sans texte, suggérant la non prise en compte de leur parole. D’autres bulles, comme celles de l’institutrice lanceuse d’alerte, contiennent du texte tout juste ébauché et barré, soulignant l’aspect inintelligible de ces paroles pour qui les entend. Cette procédure, essentielle, porte ce qui est au centre de cet album : la libération de la parole et, ainsi, la fin du « grand silence ». Faire du lecteur le témoin de ces bulles singulières souligne que cette libération ne peut s’effectuer que si ces paroles sont écoutées et considérées.
Nos sociétés sont gangrenées par différents vices. Dans ce lot, l’inceste est apparait sans contexte comme le tabou ultime. Il nous touche tous, directement ou indirectement. Les chiffres, lorsqu’ils existent, sont là pour rappeler l’horreur. En France par exemple, 165 000 enfants sont victimes de viols ou tentatives de viols chaque année, des parents ou par des proches. Quand il n’y a pas de statistiques, ce sont les témoignages reccueillis par les associations ou par les tiers qui renseignent sur l’ampleur du désastre. Les victimes brisent l’omerta mais les actes se répètent. La scénariste a aussi été victime d’inceste. Elle est partie de son histoire pour écrire ce conte. Comme le conte permet de viser l’universel en dépassant les individualités, ça fonctionne.
Les dessins de Sandrine Revel soutiennent avec une élégance et une force rares la violence du propos. Ils suggèrent au lecteur ce qu’il se passe sans tomber dans le voyeurisme (quel intérêt?). J’ai été saisie par le décalage qui nait de ce que mon imagination et ma projection me soufflent, et la réalité que m’offre ce coup de crayon engagé politiquement et sociétalement. Le travail de colorimétrie est également colossal : le bleu, le rouge et le violet sont des couleurs investies d’une signification particulière. La scénariste et l’illustratrice évoquent brillamment la question incestueuse sous ses multiples aspérités, ses mécanismes et ses conséquences.
Je suis extrêmement reconnaissante envers ces deux autrices pour le courage qu’elles ont eu en allant au bout de ce projet. Parler de l’inceste est inévitablement délicat. Cette pratique odieuse ne devrait pas exister. Pourtant, il faut le faire. Le grand silence qui entoure cette abjection s’ajoute à l’interminable liste de traumatismes avec lesquels l’agressé(e) devra vivre, grandir et se construire, tandis que l’agresseur (seuse) a peu de choses à craindre.
Grand Silence est une bande dessinée importante, déchirante et nécessaire ! C’est un appel à l’aide, un appel à la libération de la parole des victimes et à la considération de leurs témoignages ! C’est un appel à briser l’omerta qui entoure ces grands silences.
J’ai ouï…
- Les troubles DYS, sur le podcast Parentalité(s), animé par Mathilde Bouychou, psychologue clinicienne et psychothérapeute.
Le podcast Parentalité(s) aborde, comme l’indique son nom, des sujets qui gravitent autour de la parentalité. Accompagnée d’un(e) expert(e), l’hôte reçoit des parents et des futurs parents pour évoquer avec eux un sujet précis sur la parentalité.
L’épisode dont je vous recommande l’écoute s’intéresse aux troubles DYS. Les troubles DYS renvoient aux Troubles Spécifiques de l’Apprentissage. Ces troubles sont la conséquence de la déficience d’une ou plusieurs grandes fonctions cérébrales supérieures parmi lesquelles :
- le langage (DYSphasie),
- la coordination motrice (DYSpraxie),
- l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H),
- les apprentissages (DYSlexie – trouble spécifique de la lecture -, DYSorthographie – trouble spécifique de l’expression écrite -, DYScalculie – trouble spécifique des mathématiques -.)
L’épisode du podcast m’a appris deux choses importantes. La première d’entre elles est que les troubles DYS sont des troubles cognitifs développementaux durables et persistants que l’on identifie chez un enfant qui par ailleurs, présente une intelligence normale, voire supérieure. Ils n’ont donc rien à voir avec l’intelligence. En France, les statistiques disent que les troubles DYS concernent environ 10 à 15% des élèves d’une classe d’âge. Le second apprentissage que j’ai fait en écoutant cet épisode est qu’il est essentiel de faire la différence entre des «difficultés d’apprentissage» et des « Troubles Spécifiques de l’Apprentissage». Alors que les difficultés d’apprentissage peuvent être résolues par une remédiation ponctuelle, les Troubles Spécifiques de l’Apprentissage résistent à ce type de soutien. Il faut une véritable rééducation, qui permettra l’acquisition de stratégies pour apprendre à l’enfant à vivre avec ce trouble.
Etant donné la complexité du sujet et sa forte prévalence auprès des enfants, j’ai pensé que l’écoute de ce podcast peut constituer une bonne entrée en matière pour que les parents qui lisent mon blog soient sensibilisés.
Je vous souhaite une bonne écoute !
- S’affranchir du militantisme et créer d’abord pour soir ?, sur le podcast La Zone, présenté par Emmanuelle Moussa, avocate de profession et podcasteuse par passion.
La Zone est un podcast qui donne la voix « aux femmes artistes et entrepreneuses issues des communautés noires, afrodescendantes ou d’autres communautés ethnoculturelles ».
La Zone, c’est le rendez-vous de baladodiffusion que j’attends tous les quinze jours. J’ai très envie de vous en recommander l’écoute pour vous laisser bercer par la voix magnifique d’Emmanuelle, l’animatrice. Ce ne serait pas sérieux ! Je vais plutôt vous inciter à prendre le temps de découvrir les réflexions et les partages inspirants d’Emmanuelle et de ses invitées. Ensemble, elles parlent de créativité, d’entrepreneuriat et de bien-être, en axant le propos sur le vécu des femmes racisées.
Lien pour écouter l’épisode : https://smartlink.ausha.co/la-zone/s-affranchir-du-militantisme-et-creer-d-abord-pour-soi-avec-niti-graphiste-et-illustratrice
- StoriKid Pocket, de Vtech, la conteuse d’histoires interactive portable.

Cette conteuse trop mignonne a rejoint notre famille il y a quelques mois, lorsque ma fille a ouvert les cadeaux de son troisième anniversaire. Depuis, elle ne la quitte pas. Elle se sert de toutes les fonctionnalités : l’écoute des comptines, des histoires, des blagues et surtout, l’enregistrement vocal. Si vous souhaitez offrir une conteuse au joli design, résistante aux chocs, avec un contenu varié et à petit prix, cliquez sur le lien ci-après.
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J’ai vu…
C’est le genre d’informations que j’aurais pu donner dans un article du type X choses à savoir sur moi : « j’aime regarder les séries coréennes, regroupées sous l’appelation K-Dramas » !
Afin de rentabiliser mon abonnement Netflix, je n’hésite pas à sortir de ma zone de confort pour regarder du contenu documentaire ou cinématographique, créer selon des standards qui s’émancipent du cadre hollywoodien. Gloire au dieu Apollon ! J’ai trouvé dans les séries coréennes de nouvelles écritures scénaristiques, des jeux d’acteurs différents, des thèmes originaux et très peu traités par les Américains et les Européens, de nouvelles problématiques, et bien sûr, une nouvelle culture.
Je ne vais pas vous faire l’affront de vous recommander la série populaire Squid Game à cause des polémiques qu’elle a engendrées. Je vais plutôt vous parler brièvement des deux K-Dramas que j’ai aimées regarder en janvier.
- The Glory – La vengeance au menu

Les années de souffrance au lycée n’ont pas été effacées, bien au contraire. Une jeune femme fera tout pour se venger et faire payer ses bourreaux d’antan. Cette série traite le harcèlement scolaire en interrogeant l’oubli et le pardon. Les personnages sont complexes et l’intrigue tient en haleine.
- Move To Heaven – I Am a Person Who Arranges Articles Left by Deceased
Adaptation de l’essai Things Left Behind de Kim Sae Byeol.

Dans cette série au thème original, Geu Ru est un jeune homme atteint du syndrome d’Asperger. Il travaille pour l’entreprise de son père, Move To Heaven. Leur travail consiste à ranger les objets laissés par les personnes décédées. À la mort de son père, Geu Ru fait la rencontre de son oncle Sang Gu, un homme froid qu’il n’avait encore jamais vu. Ancien artiste martial qui a combattu dans des matchs underground, il est allé en prison à cause de ce qui s’est passé lors de son dernier combat. Sang Gu devient le tuteur de son neveu. Tous deux en deuil, ils vont évoquer ensemble leurs souvenirs du disparu, partager leurs émotions, et comprendre encore davantage le sens des notions de la vie, de la mort et de l’esprit de famille. Ensemble ils vont diriger Move To Heaven.
C’est sur cette note que je vous dis au revoir ! En attendant le prochain article de blog, nous pouvons poursuivre la conversation dans la zone des commentaires. N’hésitez pas à m’y dire ce que vous pensez de ce format d’article, et aussi, ce que vous inspire mes favoris du mois de janvier.
Merci de me lire ❤
J.