Imaginez le Nigéria, un homme et une femme mariés, jeunes, amoureux, éduqués, diplômés et modernes, mais (il y a toujours un mais n’est-ce-pas ?), depuis 4 ans, ils n’ont pas d’enfant. Imaginez ce Nigéria dans lequel un couple sans enfant est forcément malheureux. Imaginez encore que là-bas une femme sans enfant n’est pas une vraie femme. Imaginez aussi que l’unique responsable de cette situation c’est la femme, évidemment. Imaginez enfin les reproches, la pression et tous les stratagèmes qui vont être mis en place par le couple, la belle-mère (laquelle ?), les membres des familles et la société (les voisins, de parfaits inconnus) pour qu’arrive enfin l’enfant tant attendu. Voilà, vous êtes prêt à vous faire aspirer par la prose addictive, enchanteresse et prometteuse de Reste Avec Moi, le premier roman de la romancière nigériane Ayòbámi Adébáyò.

Quel premier roman ! Quel tourbillon ! Quelle maitrise narrative ! Que de rebondissements ! Que de personnages profonds et achevés ! Non mais quel roman !
Reste Avec Moi, lauréat du prestigieux Prix Les Afriques en 2020, est un roman qui m’a mise dans tous mes états. J’ai alterné entre les larmes, les cris, la stupéfaction, l’énervement, l’impuissance, la tristesse et paradoxalement, la gratitude. Oui, j’ai été reconnaissante qu’un tel livre soit publié, et que grâce aux valeurs portées par le Prix Les Afriques qui l’a récompensé, il est depuis lu par des milliers de jeunes Africains sur le Continent. En effet, je ne doute pas un seul instant de l’impact considérable que ce livre laisse(ra) chez les lecteurs.
L’histoire de Yejide et Akin traite de l’infertilité, des maladies génétiques héréditaires, du désir d’enfant, de la transmission, de la lignée, du deuil, de la pression familiale, des angoisses, de la dépression, de la pression sociale, avec en toile de fond, le contexte politique instable du Nigéria entre 1985 et 2008. Je vous l’ai dit, c’est un roman explosif ! Cette expérience de lecture a été un assaut émotionnel et intellectuel sans précédent. Plusieurs mois après avoir terminé ma lecture, les questions se succèdent dans ma tête et je n’hésite pas à interroger mon entourage :
- Combien d’embûches sont semées le chemin tortueux de la parentalité ?
- Quelle définition peut-on proposer du désir d’enfant ?
- Y-a-t-il un espace de parole sécurisé pour évoquer le non désir de maternité et/ou de parentalité au Nigéria ? Dans les autres sociétés d’Afrique Subsaharienne ?
- Quels sont les enjeux attachés à la lignée, à la descendance et au clan ?
- Quels traitements (informations, discussions, soins) faisons-nous de l’infertilité dans le couple, la famille et la société ?
- Quid du tabou des maladies génétiques héréditaires dans nos familles ?
Ayòbámi Adébáyò (m’) impressionne avec ce premier roman inoubliable, parfaitement maitrisé, et écrit dans un style qui lui est propre. Elle dissèque intelligemment des sujets moralement et culturellement chargés, et en explore les conséquences sans être exhaustive. En effet, c’est au lecteur de s’approprier cette fresque contemporaine. C’est toujours à lui de l’estimer en la confrontant à son éducation, ses convictions, ses aspirations, sa culture, ses traditions et sa foi.
Reste avec moi est un roman paradoxalement magnifique et déchirant. A lire urgemment !
Voilà pour mon retour de lecture de Reste avec moi. J’espère que ce roman trouvera grâce à vos yeux.
Merci de me lire ❤