Aujourd’hui nous nous retrouvons pour un partage autour des livres. Les livres dont je vais parler figuraient sur la liste du Prix Les Afriques 2021.

HORS DES TÉNÈBRES UNE LUMIÈRE ÉCLATANTE, de Petina Gappah, publié chez JC Lattès
Dans cette histoire, nous partons à la découverte de la vie d’un médecin écossais venu en Afrique pour trouver la source du Nil. Lorsqu’il décède en 1873, ses serviteurs décident de rapatrier sa dépouille sur les 2500 km qui les séparent de la côte, afin qu’elle puisse regagner l’Angleterre. C’est donc un récit de voyage dans une Afrique où l’esclavage n’a pas encore totalement disparu et qui est en même temps sur le point d’être colonisée.

La première partie du livre ne m’a pas plu, à la différence de la seconde. La narration de la vie du docteur Livingstone dessine les cartes du Continent noir quelques années seulement avant la grande “ruée” vers l’Afrique où les Européens l’ont colonisée et divisée. C’est donc un témoignage important de cette période charnière des histoires européenne et africaine. Le livre est bien écrit mais il ne m’a pas autant enthousiasmé que “Le livre de Memory” de la même autrice.
C’était une histoire assez facile à lire, même si par moments certains passages ont une fonction de remplissage.
Gran Balan, de Christiane Taubira, chez Plon
C’est un roman polyphonique dans lequel les voix narratives dressent le portrait de la Guyanne. L’autrice montre comment les conséquences du passé colonial de la Guyanne défient et impactent des générations de Guyannais et les met quotidiennement face à une impasse : chômage, crise identitaire, racisme, absence d’infrastructures, insécurité, etc. Où trouver la force de conjurer son propre sort lorsque tous et tout autour de nous semblent nous dire que nous ne sommes promis à rien d’autre ?
Parmi les thèmes abordés, les plus significatifs sont à mon sens les identités plurielles de la Guyanne, la réflexion profonde sur la justice et le système judiciaire français, et le plaidoyer pour un pays qui, après avoir subi l’esclavage et la colonisation, se cherche dans une mondialisation dont il n’a ni les clés, ni les racines, ni les codes.

Grand Balan est un texte qui contient de nombreuses références littéraires et musicales, ainsi que des citations. Je n‘en attendais pas moins de la part de Christiane Taubira, poétesse, grande lectrice et passionnée de littérature. Mais cette abondance a profondément nuit à la qualité du livre. Il perd en fluidité et s’alourdit des interminables descriptions qui rendent le propos inaccessible !
C’est une lecture dans laquelle je me suis ennuyée et perdue maintes fois. Si je rajoute en sus que pour moi ce roman n’en n’est pas un à cause de l’absence de rebond narratif et de l’intrigue que je n’ai pas repérée, c’est une énorme déception.
L’autre moitié de soi, de Brit Bennett, aux éditions Autrement
Dans ce roman au titre poétique, il est question de la quête identitaire des africains américains aux Etats-Unis. Grâce aux portraits croisés des jumelles Stella et Désirée Vignes, l’autrice ouvre son roman en 1968 à Mallard. En faisant circuler la parole entre elles, et plus tard entre leurs filles, c’est l’histoire douloureuse, intense, intime et épineuse de la race qu’elle imagine, raconte, examine et réexamine.
L’autrice contrôle parfaitement sa narration et la construction de ses personnages. Ainsi, le personnage de Désirée est très prévisible et saisissable, à la grande différence de celui de sa sœur Stella. Cette dernière reste mystérieuse et insaisissable jusqu’à la fin du roman. Merveilleusement contradictoire, elle s’affirme et se complexifie au fil des pages pour nous pousser à réfléchir et à dépasser le seul cadre fictionnel proposé par Bennett. Il m’a manqué la même profondeur et la même complexité chez Désirée.
Cependant, le style d’écriture de Brit Bennett est très fluide et entraînant. J’ai adoré sa narration visuelle et silencieuse qui nous lie aux décors et aux lieux tout au long de la lecture. En refermant le livre pour la dernière fois, on s’est tellement rapproché des personnages qu’on continue à penser à eux.

L’originalité de ce roman demeure dans la longue liste de questions qu’il soulève. Le questionnement de l’identité est une problématique récurrente chez les écrivain(es) africain(es)-américain(es). Cette régularité en fait presque une composante essentielle de la littérature noire américaine. Pourtant, en dépit d’une littérature foisonnante sur ce thème, Brit Bennett transcende nos attentes et porte le débat sur l’identité à un autre niveau.
Être Noir(e) aux Etats-Unis, qu’est-ce que c’est ? Y-a-t-il un avantage à avoir la peau plus ou moins pâle ? De quoi hérite-on lorsqu’on ne nait pas Blanc aux Etats-Unis ? Quel est le prix à payer pour trouver qui on est et trouver sa place ? La quête identitaire est-elle un droit ou un devoir ? Le questionnement identitaire est-il spécifiquement américain ou uniquement racial ? Les parts de fiction non fiction liée à cet épineux sujet peuvent-elles encore se renouveler ?
L’angle de traitement choisi par l’autrice et sa vraie maitrise narrative donnent à ce roman ses lettres de noblesse. C’était une très belle lecture ! Je recommande ce roman que je relirai sans doute 🙂
Voilà qui nous mène à la fin de ce billet. Dites-moi en commentaires les titres de vos dernières lectures 🙂
A très bientôt, et merci de me lire ❤
Un commentaire sur “[Focus] Hors des ténèbres une lumière éclatante, Gran Balan & L’autre moitié de soi”