[Apprentissage de la lecture] Quel est le bilan que je dresse ?

Aujourd’hui je referme la série d’articles qui parlent de l’entrée dans la lecture de Mon P’tit Cœur. Dans le premier article je vous racontais son parcours de bébé lecteur. Dans le deuxième je vous présentais notre matériel et notre méthode d’apprentissage de la lecture. En guise de conclusion, je vous propose un bilan de toute cette aventure. Ce billet m’a été suggéré par mon beau-père. Voici en 14 points ce qui a fonctionné (7) et ce qui m’a alertée (7).

Ce qui a fonctionné pour nous

1. Avoir une perspective

Je recommande inlassablement de mettre les enfants au contact des livres le plus tôt possible parce que c’est bon pour eux. Ça ne leur fera jamais de mal. Il y a énormément de choix pour être satisfait selon l’âge et le but recherché : livre cartonné, livre en plastique, livre sonore, livre papier, livre en tissu.

Pour lire, l’enfant doit connaître les codes du livre : tourner les pages, comprendre le sens de lecture (de la gauche vers la droite), reconnaître les symboles (images, lettres, mots), lire, comprendre, paraphraser et restituer sa lecture. Quand il découvre l’objet-livre, l’enfant va d’abord le manipuler, l’ouvrir au hasard, observer attentivement un dessin, s’attarder sur un mot, préférer un page ou deux, chercher à décoder, pour enfin pouvoir lire. C’est donc progressivement que l’enfant passera d’une approche ludique à une posture de lecteur.

2. Reconnaître les signes d’un intérêt pour la lecture

C’est le point de départ de cette merveilleuse aventure. Je vous ai raconté la nôtre ici.

3. Prendre le temps

Après avoir lu les deux autres billets de la série vous vous demandez peut-être si vous aurez la patience de « faire tout ça ». Patient(es) ou impatient(es), j’ai une bonne nouvelle pour vous : 15 minutes maximum par jour suffisent ! Vous avez bien lu, 15 minutes seulement.

Quand nous avons commencé l’apprentissage des sons des lettres, je réglais le minuteur de mon téléphone sur 5 minutes. Je le faisais tous les jours et en quelques semaines les résultats étaient bluffant ! Par la suite, je suis passée à 10 minutes par jour. En entamant la lecture des premières phrases, 15 minutes d’entrainement suffisaient. Aujourd’hui, mon fils a 5 ans et je ne vais pas au-delà de 20 minutes par jour pour répéter et introduire des sons plus complexes.

4. Etre intraitable avec les écrans

Je ne vais sûrement pas mettre tout le monde d’accord mais, soyez intraitable avec les écrans (jeux vidéo, tablettes, télé…) ! Je sais qu’il y a des applications et des jeux qui promettent d’apprendre à lire aux enfants, mais derrière cette promesse alléchante, il y a des pièges insoupçonnés.

La surexposition des jeunes enfants aux écrans est nocive, et peu importe les mérites vantés par les fabricants de tous ces supports, rien ne remplacera les bienfaits d’un apprentissage ancré dans le réel.

5. Nourrir son vocabulaire

Quand vous vous adressez à votre enfant, parlez-lui correctement. Grâce à ce qu’il entend et à la façon dont on lui parle, l’enfant constitue son capital, sa réserve en mots. Il les ressortira au bon moment, souvent lorsque vous ne vous y attendrez pas. Les enfants sont en effet friands de mots nouveaux. Il ne faut donc pas les en priver. Il faut qu’ils entendent beaucoup de mots pour en emmagasiner un maximum. Plus ces mots seront riches et variés, plus leurs réserves sémantiques seront riches et leurs champs lexicaux variés.

Je mets un point d’honneur à ce que Mon P’tit Cœur utilise la négation dans toutes ses phrases négatives. Quand il dit par exemple « je sais pas », je lui dis « on ne dit pas je sais pas, on dit je NE sais PAS ». De même, je lui donne le vocabulaire le plus juste qui existe. Ainsi, quand il avait 1 an 1/2 (et ne parlait pas encore), dans un livre ou en passant à côté d’un chantier par exemple, on lui disait « c’est un camion benne », « c’est une pelleteuse », « c’est une grue », « c’est une dépanneuse » ; au lieu de lui dire simplement « c’est un camion ». Il s’est approprié ce vocabulaire et l’utilise très bien. Nous faisons la même chose avec les animaux, les fleurs, et les marques de voiture. A ce propos, Le P’tit Cœur a très vite été capable de reconnaître les marques de voitures (Mercedes, Peugeot, KIA, Ferrari, Porsche…), les types de véhicules (SUV, 4×4…), les modèles par marques de voitures (Dacia Sandero, Porsche Cayenne, Citroën C4, JEEP Renegade, SsanYong Rexton…)

Je vous encourage donc à être précis quand vous parlez à votre enfant. C’est bénéfique pour vous (vous apprenez des nouvelles choses en cherchant ce que vous ne connaissez pas), et ça l’est aussi pour votre enfant à qui vous offrez un très beau cadeau. Nourrir son vocabulaire c’est :

  • lui donner de bonnes bases de langage et l’enrichir
  • titiller sa curiosité
  • élargir ses horizons
  • lui donner (mine de rien), le goût de l’effort intellectuel et des choses bien faites

6. Parler de votre expérience

Dites à votre enfant qu’un jour vous avez aussi appris à lire. Faites-lui votre témoignage. Evoquez vos souvenirs et confiez-vous sur vos émotions. Bref, racontez-lui comment ça s’est passé pour vous.

7. Veiller à son hygiène de vie et s’assurer qu’il apprend bien

Certains freins à l’apprentissage se révèlent à ce moment : problème de vue, ouïe faible, difficultés d’articulation, zézaiement (trouble de l’articulation qui consiste à prononcer « ze » à la place de « je » ou de « ce » ; = zozoter) ou même bégaiement. Observez votre enfant, corrigez-le avec bienveillance et ne négligez pas la visite chez le pédiatre pour en parler. Il faut aussi veiller à ce que l’enfant dorme bien (qualité et quantité de sommeil).

Ce qui peut poser problème selon moi

1. Se fixer une date buttoir

Apprendre à lire c’est long et difficile pour l’enfant. C’est la raison pour laquelle je vous encourage à profiter de l’intérêt de l’enfant pour la lecture pour le lui apprendre. S’il est intéressé, il sera motivé et s’il est motivé, il apprendra facilement et plus vite. Toutefois, il faut être patient avec lui. Entre le moment où il montrera les premiers signes d’intérêt et celui où il sera complètement autonome, plusieurs mois vont s’écouler. Si vous préférez avoir un repère, voici grosso modo la progression du P’tit Cœur.

A 2 ans 1/2, il a commencé à faire correspondre des mots à des indices présents dans son environnement immédiat. Il citait les marques de voitures (logo ou noms de marques écrits). C’était impressionnant. Pour moi, c’est son premier moment d’apprentissage de la lecture. C’est « la phase logo ».

Entre 3 ans et 4 ans, il était dans « la phase de déchiffrage ». Ce moment correspond à tout ce que je vous ai partagé dans les deux autres articles de la série. Il a découvert les sons des lettres, les graphèmes (groupes de 2, 3 ou 4 lettres). J’ai beaucoup insisté sur l’importance du déchiffrage. Si l’enfant le maitrise, sa mémoire et son attention vont se concentrer sur le sens du texte qu’il lit.

Depuis qu’il a 4 ans 1/2 environ, Le P’tit Cœur est entré dans « la phase d’automatisation ». Il a maintenant beaucoup de mots en mémoire ainsi que leur signification. Il les lit couramment et ne déchiffre plus que les mots inconnus. En lisant régulièrement il va perfectionner ses automatismes jusqu’à devenir un lecteur « expert » comme vous et moi. A ce stade, il ne se concentrera que sur les informations du texte pour les restituer.

2. Abuser des récompenses et des compliments

Il faut faire attention aux récompenses et aux compliments. On pense souvent qu’ils motivent l’enfant et le poussent à donner le meilleur de lui-même. Mais les récompenses et les compliments, lorsqu’on en abusent, cachent une sorte de pouvoir sur l’autre (l’adulte qui complimente et récompense) et une dépendance à l’autre (l’enfant qui attend d’en recevoir). Il faut y faire attention car si on récompense trop l’enfant parce qu’il a réussi à lire un mot, il ne fournira des efforts pour progresser en lecture que dans le seul but d’obtenir une récompense. Or il est fondamental que l’enfant travaille pour lui, pour son propre plaisir, l’envie de collaborer et d’apprendre de façon spontanée. C’est ainsi qu’il aura confiance en lui, connaîtra ses capacités et se sentira utile. Dans le cadre de l’apprentissage de la lecture, il faut que l’enfant tire du plaisir dans son apprentissage. S’il le fait parce qu’il s’attend à une gratification extérieure, il sera dépendant de ce regard et de cette approbation. Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas l’encourager ou valoriser ses progrès. Il faut trouver l’équilibre.

Par exemple, en mettant en place des petits challenges. Quand Le P’tit Cœur a commencé à lire les sons complexes, L’Amoureux l’a challengé pendant une promenade.

  • – « Papa, je veux manger un muffin s’il-te-plait »
  • – « … Est-ce-que tu peux lire ce qu’il y a écrit là ? » en montrant le café qui leur faisait face

Après deux ou trois tentatives, Le P’tit Cœur a réussi à lire COLUMBUS. Il était heureux de manger son muffin et impatient de me raconter ça.

Vous pouvez aussi proposer à l’enfant un petit défi pendant la lecture. J’aime beaucoup le faire personnellement. Quand nous lisons une histoire dans laquelle une partie du texte est à sa portée, je dis parfois au P’tit Cœur : « Je lis ce chapitre et tu lis la dernière phrase ? ». Il y arrive plus ou moins bien et est très fier de lui. Ces petites victoires le boostent et lui apprennent à avoir confiance en ses capacités.

Il ne faut donc pas abuser des compliments et des récompenses, car cela risque de priver l’enfant du fait d’apprendre ou d’exercer une activité pour le simple plaisir de la chose. 

« L’apprentissage lui-même devrait être la récompense. »

Marshall Rosenberg

3. En faire le boulot d’un seul parent

Je pense qu’il est important que les parents s’investissent tous les deux dans cet accompagnement. J’entends bien que si l’enfant est dans une famille monoparentale, la plus grande part d’efforts se concentrera sur le parent qui en a la garde ; mais l’autre parent doit prendre le relai.

4. Arrêter de lui lire d’autres histoires

Il faut continuer à lire d’autres histoires à l’enfant. Ça va enrichir son vocabulaire et ça lui donnera envie d’apprendre à lire tout seul. D’autre part, ça va le sensibiliser à l’aspect plaisir de la lecture. C’est important qu’il n’associe pas la lecture à une discipline/matière strictement scolaire comme les mathématiques ou l’histoire-géographie par exemple.

5. Prévoir des sessions trop longues et un niveau élevé de difficulté

Je me répète mais 15 minutes par jour suffisent ! Jusqu’à 5 ans, l’enfant a une petite capacité de concentration. Il vaut mieux l’entrainer tous les jours entre 5 et 15 minutes maximum. C’est bien connu : un peu + un peu = beaucoup.

De même, il faut augmenter progressivement la difficulté. C’est essentiel pour la motivation de l’enfant :

  • Il faut absolument commencer par des sons simples comme (S, P, R)
  • Il ne faut pas apprendre en même temps des sons similaires ou ceux qui peuvent créer une confusion comme (C, K et Q ; B et P)
  • Il faut d’abord l’inviter à lire des mots simples comme (SAC, PAPA, ROUTE)

6. Le comparer à d’autres enfants et/ou à ses frères et sœurs

Soyez sage ! Quels bénéfices tireriez-vous d’une telle comparaison ? Ce n’est pas une compétition, et votre enfant n’est pas un faire-valoir.

7. Croire que la lecture est un apprentissage uniquement scolaire ET vouloir remplacer l’enseignant(e)

Ecoutez votre enfant et faites-vous confiance car vous avez tous les deux les ressources pour réussir cette immersion dans la lecture.

Cependant, n’oubliez pas qu’orchestrer cet apprentissage c’est aussi le métier du maître ou de la maîtresse. N’hésitez donc pas à en faire un(e) allié(e) et à l’informer du « niveau » de votre enfant en lecture. Cela lui permettra de s’adapter à l’enfant pour que ce dernier ne « s’ennuie pas » en classe pendant la leçon de lecture.

J’ai beaucoup appris de cette expérience : des choses sur moi, de nouvelles facettes de mon fils et un tas d’informations sur ce que les enfants peuvent faire lorsqu’ils sont dans un environnement favorable et stimulant. Je retiens ceci : lorsqu’on est disposé à faire quelque chose, on prend son temps et d’autres perspectives s’ouvrent à nous.

J’ai eu beaucoup de plaisir en partageant tout ça avec vous. J’espère que vous trouverez dans cette série de trois articles une partie des ressources dont vous avez besoin pour accompagner votre enfant dans ses premiers pas de lecteur. Pour prolonger cette conversation passionnante, n’hésitez pas à m’écrire un commentaire et à partager cet article autour de vous 🙂

Merci de me lire ❤

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